La génisse et le pythagoricien
au Théâtre de Gennevilliers, du 8 novembre au 7 décembre 2002

c o m p a g n i e   t f 2 ,   j e a n - f r a n ç o i s   p e y r e t
h t t p : / / w w w . t f 2 . a s s o . f r

 
 
 
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Monsieur,

       Je prends la licence de vous écrire, suite à la vision de la pièce La génisse et le pythagoricien.
       J'ai laissé couler une semaine avant de vous en écrire quelques mots.
       Par ma femme, Marie-Madeleine Mervant-Roux, j'ai su que vous habitiez square du Croisic. Ne serait-ce que parce que Le Croisic me rappelle un souvenir d'enfance, c'est un plaisir teinté de nécessité qui m'entraîne à vous envoyer quelques réflexions concernant votre spectacle. Ce souvenir c'est celui d'un jeune enfant d'environ cinq ans, assis sur une bite d'amarrage sur le port du Croisic : derrière moi, se tient ma mère, mon père prend la photo, avec la perspective, derrière nous, du restaurant auquel on accédait par quelques marches. Je me souviens, plus de cinquante plus tard, que nous avions mangé du homard. L'image de ma mère, derrière moi, fière, un peu ombrageuse, un peu gênée et endimanchée, m'accompagne toujours. Voilà pour le square du Croisic.
       Pour La génisse et le pythagoricien, c'est une autre histoire. Je ne vous cacherais pas que j'ai lu deux textes (envoyés sur votre site internet) avant de vous écrire, l'un d'Anne-Françoise Benhamou, l'autre de Yannick Butel, qui, je viens de le remarquer, se définit, in fine, comme pêcheur de homards (encore eux !). Je confesse que je ne comprends pas tous leurs commentaires sophistiqués !
       Pour ce qui me concerne, j'ai été attiré et séduit d'abord pour le libellé de l'intervention que vous avez faite au colloquium de l'ENS. Je suis donc allé au théâtre de Gennevilliers dans de bonnes dispositions d'esprit…en éveil.
       Naturellement (trop naturellement) j'ai trouvé étonnante votre scénographie, la "scène" bi-frontale, partagée par l'hypoténuse de Pythagore (deux mondes ?), un désir exhibé de briller et de jouer. Bref, j'ai trouvé cela un peu potache, un peu narcissique, donc adolescent.
       Et puis, je me suis senti envahi par votre pessimisme, votre désespoir de ne pas pouvoir ou savoir donner du sens au projet de votre pièce. La dramaturgie part dans tous les sens, sans alpha et omega, indiquant que vous ne saviez pas vraiment où vous alliez. Comme si vous aviez manqué de temps ou de réflexion. D'où un patchwork, un feuilletage de situations, de saynètes sans perspective ; vous arrêtez la pièce à un moment, il le faut bien, mais vous auriez pu la continuer, vous auriez pu même ne pas la commencer. C'est cela que j'appelle votre pessimisme.
       Et puis je vous ai trouvé optimiste, progressiste. Voyons, un homme de votre condition pourrait ne pas se hasarder sur le chemin si peu fréquenté d'une réflexion sur la science et le savoir*. Pourquoi s'y risquer ? C'est très généreux de votre part. C'est comme si vous aviez voulu relever un défi ( par lassitude aussi de ce que l'on peut voir et entendre par ailleurs ?). C'est bien courageux et malicieux de votre part, Monsieur !
       Vous lisez le dépôt de ma mémoire et nous savons tous comme elle est trompeuse, après une semaine de laisser faire. En fait, je ne sais plus aujourd'hui si j'écris ces quelques impressions et remarques sur votre pièce de façon objective, ou si je projette ce que j'ai cru y voir, ou voulu voir, ou aimerais y avoir vu. De façon plus directe, peut-être que j'aurais aimé participer à votre réflexion, plus que nécessaire, sur ce thème. Ma culture de mathématicien m'autorise à le dire, je crois, et ça me donne quelques idées (la révolution (à tous les points de vue !) copernicienne (Kepler + Copernic) ; le chaos (la non-prédictabilité des événements) avec le livre très didactique d'Ivar Ekeland sur la théorie des catastrophes, intitulée Le calcul, l'Imprévu, des figures du temps de Kepler (encore lui) à Thom, Seuil, 1985).
       Tout cela est évidemment imprudent et impudent de ma part. Je suis sûr que vous aurez la générosité de me lire entre les lignes, vous me le devez un peu parce que j'ai tenté de faire à votre spectacle, du moins je le crois.
Acceptez, Monsieur, l'expression de mes meilleurs sentiments.

Jean Roux


P.S : j'ajoute que vous avez une langue, Monsieur. C'est bien du talent.

*Les tentatives que je connais sont : La vie de Galilée (B. Brecht), l'exemple le plus connu. Copenhague de Michael Frayn (débat entre N. Bohr et W. Heisenberg et Les Palmes de Mr Shulz (à propos de la recherche de Pierre et Marie Curie et la découverte du radium).