mise en scène
Jean-François Peyret
décor
Nicky Rieti
costumes
Sophie Loucachevsky assistée de Agathe Laemmel
lumières
Daniel Lévy
image et son
Benoît Bradel
musique
Philippe Hersant
interprétation
Dorel Fodoreanu
peinture des costumes
Marylène Cherigny
assistant à la mise en scène
Nicolas Bigards
avec
Evelyne Didi
Simona Maïcanescu
Roser Montllo
Charlie Nelson
Pascal Ternisien
Toméo Vergès
coproduction : MC93 Bobigny & Tf2 Compagnie Jean-François Peyret |
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conception
Jean-François Peyret
réalisé avec
Benoît Bradel, Daniel Lévy, Sophie Loucachevsky, Nicky Rieti
images
Jean-Claude Lubtchansky
assisté de Mikaël Lubtchansky
assistant à la mise en scène
Nicolas Bigards
peinture des costumes
Marylène Cherigny
musique
Ludwig van Beethoven, Maurizio Kagel
avec
Evelyne Didi
Stéphane Leach (piano)
Simona Maïcanescu
Roser Montllo
Etienne Pommeret
Pierre-Henri Puente
Pascal Ternisien
Tomeo Vergès
Stéphane Herbelin (à la craie)
Jean-Claude et Mikaël Lubtchansky (à la caméra)
Avec la complicité de
Jean Baudrillard, Michel Deguy, Florence Delay, Georges Didi-Huberman, Dany-Robert Dufour, Marc Guillaume, Ludovic Janvier, Francis Marmande, Agnès Minazzoli, Michel Monpontet, Alain Prochiantz, Jean-Didlier Vincent
Remerciements à Dominique Colladant
coproduction : MC93 Bobigny & Tf2 Compagnie Jean-François Peyret
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conception
Jean-François Peyret
réalisé avec
Benoît Bradel
décor
Nicky Rieti
assisté de Chantal de la Coste-Messelière
lumières
Bruno Goubert
costumes
Sophie Loucachevsky
assistée de Marylène Cherigny
musique
Philippe Hersant
interprétation
François Le Roux (chant)
Noël Lee (piano)
images
Jean-Claude Lubtchansky
et Benoît Bradel
assistant à la mise en scène
Nicolas Bigards
avec
Evelyne Didi
Roser Montllo
Hugues Quester
Pascal Ternisien
Tomeo Vergès
coproduction : MC93 Bobigny & Tf2 Compagnie Jean-François Peyret |
Il est toujours difficile en cours de route de rassembler ses idées en vue de présenter un travail qui en est là de n'être justement pas présentable... Reprenons quand même le fil. D'abord il faudrait dire comment nous en sommes arrivés aux passions. On dirait déjà une vieille histoire. Ce fut la faute à Le Brun et à sa fameuse conférence sur l'expression des passions (1668), qui nous renvoyait à l'énigme ou la non énigme des visages: qu'est-ce qui se lit sur un visage, qu'est-ce qui s'y écrit ? Nous arrivâmes aux passions en passant par le visage qui est le lieu où elles se peignent. Le Brun, jeu de piste, nous attirait chez Descartes dont il avait copieusement pillé Les passions de l'âme, alias le Traité des passions. Nous voilà chez Descartes, encore un philosophe! Il y a de ces fatalités. Il faudra bien un jour répondre de cette faiblesse pour la littérature philosophique, même considérée par nous, à la Borges, comme une branche de la littérature fantastique...
Un traité ? Et pourquoi pas un traité ? Après tout, pourquoi ne pas relever ce gant-là ? Un traité, formellement, notre théâtre ne pourrait-il pas en prendre de la graine (autre image), qui ne fonctionne pas vraiment à la fable, c'est le moins qu'on puisse dire. Le traité était une invite à inventer une petite machine théâtrale à nous, dont l'alibi ne soit pas une histoire qu'on raconte, mais donne un traitement par fragments, si l'on veut des fragments d'un discours de la passion, sinon les fragments du discours passionné.
Et puis des visées théâtrales vous font lire d'une toute autre manièrre des textes peu faits pour le théâtre et inversement vous font envisager d'une toute autre manière le théâtre, un théâtre sans personnages, sans histoire; nous voilà débarrassés de l'anecdote, de la pseudo-imitation, du faux-semblant, du comme si on y était, etc.
Et au passage, en observant cette étrange machine célibataire qu'est le discours de Descartes, machine fonctionnant selon deux régimes différents, le régime traité, mais aussi le régime épistolaire des lettres à la princesse Elisabeth de Bohême qui a un peu obligé notre philosophe à traiter des passions, nous faisons la découverte, neuve pour nous, d'une sensibilité de Descartes, cartésienne, découverte de l'espoir d'une esthétique, aux accents parfois montaniens.
Mais Descartes, c'est aussi une comédie; ça finit bien : le traité des passions est aussi un art de traiter le passionnel: tout traité des passions est un traitement. On aurait pu en rester là; trouver le théâtre de cette philosophie-là, là dramaturgie idoine pour cette pensée qui a remède à tout.
Mais songeons par exemple que Le Brun fait sa conférence, etc en 1668; c'est-à-dire, à peu près quand Racine commence à faire entendre sa voix. Et voici qu'elle ne manque de se superposer à celle de Descartes, de venir l'agacer. D'où vient l'idée que certaines héroïnes raciniennes écoutent par le petit trou de la serrure. Elles doivent bien rire. D'où l'idée de confronter le discours cartésien, non à Corneille comme le veut la tradition, mais à Racine, ce qui n'est guère plus original, mais ça change un peu. Après tout Racine devait avoir le Traité dans sa bibliothèque, nous affirment certains érudits, et avait, cela est certain, un portrait de Descartes en sa possession.
Alors, le Tragique contre la Raison, reprise. Nous savons que chaque grande époque rationaliste bute sur l'objection des Tragiques, et I'instrument de cette objection est en général la démesure de la passion. Car l'homme ne veut pas seulement son propre bien, car la joie et la tristesse, l'amour et la haine ne s'opposent pas comme le blanc et le noir, etc. Face au docteur Descartes et à sa princesse bien réelle à qui il administrait sa potion théorique contre la passion, s'élève menaçante la plainte de ces princesses de papier, ces grandes malades de la vie (ah! la maladie de la vie ou de l'amour, ou de la mort, ne barguignons pas) qui viennent, contre tout traité, contre tout traitement, revendiquer le caractère intraitable des passions.
Voilà comment même si on a voyagé au-delà de nos frontières plus souvent qu'à l'intérieur, à Montaigne près. Voilà comment on se retrouve en plein empêtré dans le Grand Siècle, même si pour des tas d'obscures et de bonnes raisons on l'esquivait prudemment jusque-là... Voilà comment tout en ayant déserté vaillamment le répertoire on se retrouve face à face avec un de ses monstres (sacrés) : Racine. On se retrouve à cause d'un enchaînement fatal devant ses alexandrins, qu'on évitait avec une sorte de prudence. Comment, devant ses alexandrins? Non pas devant mais déjà dedans; ils étaient déjà en nous, ils nous "entêtaient" déjà. Souvenons-nous du pauvre Aurélien obsédé par un vers de Bérénice: Je demeurai longtemps errant dans Césarée.
Racine nous foncait dessus. Comment faire? En fait un autre peintre allait nous offrir (peut-être?) la parade, Francis Bacon qui nous avait guidé dans notre réflexion sur le visage. Son geste esthétique, -sa poétique, faudrait-il dire-, était là pour conformer le sentiment qu'il est impossible de monter une pièce de Racine, tout aussi impossible que de refaire innocemment le portrait d'Innocent X par Vélasquez. Une pièce de Racine n'est plus tout à fait du théâtre: c'est un livre. Là-dessus de Goethe, constatant déjà que Shakespeare était un "Lesebuch", un livre de lecture, à Craig, notamment que Hamlet n'était plus du théâtre, (sauf si on n'en fait un monologue par exemple) des meilleurs que moi se sont déjà exprimés, apparemment sans être toujours été entendus...
Un théâtre dont la mission est l'entretien des Classiques, un théâtre de conservation du patrimoine peut, et doit s'en emparer, c'est son devoir d'Etat en un sens, mais un autre théâtre est dans la situation difficile de pouvoir seulement s'en souvenir et dans l'obligation de le faire fonctionner autrement.
Pourquoi ? Où est l'enjeu ? Le théâtre n'a jamais fait que traiter des passions, mais pas innocemment, pas de manière gratuite et désintéressée, pas seulement à des fins de connaissance, pas seulement pour explorer l'âme humaine (ou plutôt les rapports ou les états de l'union de l'àme et du corps), pas pour produire un savoir mais aussi un effet sur le spectateur, parce qu'au théâtre il y a en principe un spectateur, une émotion. Et voici le bout de notre thèse : qu'en est-il aujourd'hui de l'émotion au théâtre; ne trichons pas avec cela, où est-elle vraiment vive ? Est-elle encore possible, autrement dit le théâtre est-il encore par moments un art ou n'est-il déjà plus qu'une cérémonie culturelle ? Le thèse en question est de dire que la charge d'émotion de Racine n'est pas dans la fable, dans le déroulement sans cesse recommencé de cette fable, mais dans des condensations incandescentes (ce sont les mots qui les rendent telles) d'émotions, (l'équivalent de la sensation chez Bacon) ou de fragments de passions, des pathèmes, on dirait pédantesquement. Là est le côté, ou sera, si tout va bien, le côté Bacon qui cherchait non le drame, l'histoire, mais la condensation de la sensation. D'où, pour nous, la tentative d'une dramaturgie de la série, de la déclinaison, d'où le goût du triptyque. C'est donc un spectacle inactuel, au moins en apparence. Disons que sa genèse ne subit pas la pression de l'événement actuel, et il ne prétend pas être à la hauteur de ce dont parle la télévision tous les jours. Reste qu'il a quand même la modeste ambition de s'ouvrir à une question qui n'est peut-être pas si intempestive que cela, celle de ce qu'on appellerait volontiers la pathétique contemporaine. Qu'est-ce qui nous émeut encore? La mort, nous la voyons à chaque repas sur nos petits écrans, mais c'est peut-être notre manière à nous de ne jamais la regarder en face. Parfois ce spectacle indigne nos belles âmes, mais nous émeut-il vraiment ? Elle inquiète notre moralité, mais touche-t-elle notre sensiblité ? Vraiment, de quelle émotion sommes-nous encore capables ? Question esthétique (ou d'esthétique) par excellence puisqu'elle concerne notre sensibilité, notre possibilité aussi de sentir en commun. Question politique, donc.
Oui, que reste-t-il de nos passions ? Un mot pour les marchands de rêve commercial ? Ou quand elle s'affiche sur nos écrans, nous reste-il vraiment plus que la haine, cette haine intransitive, presque plus une passion parce que sans objet, haine tout court. Voilà le souci de ce premier spectacle qui tente ce travail de remmaillage à partir de Descartes/Racine, c'est un état francais de la question. Il faudra dès le mois de mai explorer au-delà de ces frontières, stimulés que nous aurons été, espérons-le, par le travail d'exploration, assuré, entre-temps par le "Studio des passions" où devront se croiser discours et pratiques artistiques, théoriques ou scientifiques intéressées aujourd'hui par la passion.
Jean-François Peyret, septembre 1995
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Ceci n'est pas une pipe, pas même une chaise: ceci est un playshop*. En principe moins laborieux qu'un workshop, il sert surtout d'avertissement : ceci n'est pas une pièce. Un playshop se fabrique très vite, au pied levée, un peu à l'improviste; en cela il tient de l'impromptu. Playshop in progress évidemment** : ce sont ici comme des notes prises, non pas avec un crayon et du papier mais avec et sur un plateau, si l'on peu dire, en regardant et écoutant des amis de longue date, anciens compagnons de notre petite route théâtrale ou de plus fraîche, connus grâce à cette circonstance pathétique. Il est bien clair que seules les affinités ont présidé à cette élection et les affinités de mes amis sont mes affinités et non Ie souci d'un panel représentatif etc... etc... Il s'agissait de les "croquer", ces amis, d'imaginer, d'improviser quelque chose, dont notre théâtre puisse faire immédiatement son profit. Surtout, il nous plaisait que cette rencontre puisse, avoir lieu en amont du théâtre, sur le théâtre à faire et non seulement après, sur le théâtre déjà fait, pour mouvoir le théâtre et pas seulement pour faire semblant de le promouvoir,non pour faire des débats mais chercher des débuts. Que tous soient ici remerciés de s'être aussi gracieusement pris à ce jeu qui était aussi un piège. Ces conversations dans la Seine Saint-Denis, le matériau de ces notes dont nous n'avons pu ou su distraire que bribes, ont porté sur le on la pathétique. Pourquoi ? Parce que dans ce cycle du TRAITE DES PASSIONS en cours, en long cours, il nous est apparu que les passions en question faisaient nécessairement relief sur une pathétique ou des pathétiques qui les animent, mais qu'aussi, et sans céder véritablement à la conjoncture, parce qu'il semble bien qu'aujourd'hui la teneur en pathétique ait singulièrement augmenté ces derniers temps. Ce ne sont pas ceux qui prennent le métro ou regardent la télévision qui nous diront le contraire...
Jean-François Peyret, septembre 1995
*Ndt : Néologisme inventé, pour l'occasion, parce qu'en mai on fait ce qu'il nous play,comprenne qui pourra, comme dit le Poète. Voir aussi : playhouse, playtime, etc..., surtout playtime...
**Ndt : pas de note ? |
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NOTES SUCCINCTES
1 - TRAITE 3 est la troisième édition du cycle élaboré à Bobigny. Une expérience originale, rendue possible par un théâtre. Ce projet est un projet. Il ne relève pas seulement de la programmation d'un spectacle après un autre.
2 - Chaque spectacle du cycle a son autonomie. TRAITE 3 ne suppose pas les deux précédents pour être compris, voire, qui sait ?, apprécié.
3 - Mais participe de la même recherche. Dont le titre générique pourrait être le sous-titre de TRAITE 2 (Notes pour une pathétique). Exploration, sous le nom des passions, de notre rapport au pathos, au pathétique, peut-être à la pathologie. Enquête sur l'état de la sensibilité contemporaine.
4 - Point de départ : les couleurs. Notre sensibilité, notre "pathétique", marquée par notre rapport aux couleurs. N'avons-nous pas une couleur préférée ? Matériau de référence : le TRAITE DES COULEURS de Goethe. Un prétexte utile, stratégique pour nous, parce que Goethe inscrit sa réflexion (qui a des dimensions très pratiques, celles de l'expérimentation) sur les couleurs dans le cadre de sa pensée du vivant. Les couleurs, c'est le vivant.
5 - Et c'est bien cette question du vivant qui intéresse au premier chef notre recherche théâtrale actuelle. L'ambition de ce projet TRAITE DES PASSIONS, serait d'être un modeste TRAITE DU VIVANT. Après tout, le spectacle vivant a peut-être quelque droit à parler du vivant. Voilà pourquoi le travail se fait en connivence avec des biologistes et surtout, Jean-Didier Vincent et Alain Prochiantz. C'est ainsi aussi que ce TRAITE 3 est un chemin sur ou vers le dernier spectacle du cycle : UN FAUST : HISTOIRE NATURELLE, d'après Goethe et dont la partition sera assurée en collaboration avec Jean-Didier Vincent.
6 - La part de fiction : une expérimentation sur les couleurs et un discours sur elles finit par faire transparaître la pathétique des différents protagonistes, les cinq comédiens. Des figures (pas exactement des personnages) sont ainsi, chemin faisant, révélées. Elles tirent leur existence de la population des AFFINITES ELECTIVES du même Goethe, non sans qu'une certaine licence d'improvisation soit permise : ainsi, par exemple, la figure d'Edouard file à toute vitesse vers celle d'un peintre moderne (en l'occurrence Paul Klee); ainsi le Capitaine se change-t-il en philosophe wittgensteinien, pendant que Charlotte aurait tout d'une femme actuelle, et pourquoi pas gauchère ? et Odile pourrait être l'héroïne aveugle de la SYMPHONIE PASTORALE. Quant à l'expérimentateur qui a embarqué au début tout ce petit monde dans cet univers des couleurs, qui n'aura reconnu Méphistophélès ?
Jean-François Peyret, octobre 1996 |